Impact des volcans sous-marins sur l'écosystème

Projet TONGA : Productivité océanique et exportation du carbone

L’océan Pacifique Sud subtropical occidental est un « hot spot » reconnu de fixation de N2, avec une contribution estimée à ~21% de l'apport global d'azote fixe. Les organismes fixateurs de N2 (dits « diazotrophes ») ont des quotas de fer (Fe) élevés par rapport aux autres phytoplanctons et leur succès dans cette région est donc lié à une atténuation de la limitation en Fe dans cette région. 

Précédemment au cours de la campagne OUTPACE, nous avions montré que du fer issu de sources hydrothermales peu profondes présentes dans la région, pouvait alimenter la couche euphotique (~ 0-100 m) mais l'impact potentiel de ces apports hydrothermaux peu profonds sur les bilans régionaux de Fe et sur les cycles biogéochimiques des éléments biogènes (C, N, P) n'avait jamais été étudié.

Dans ce contexte, l'objectif du projet et de la campagne TONGA étaient d'étudier le contrôle de la productivité océanique et de la séquestration du carbone par les micronutriments d'origine hydrothermale peu profonde. 

Le temps fort du projet a été une expédition (37 jours, R/V L'Atalante, nov-déc 2019) dont le défi était de localiser des sources hydrothermales peu profondes et d'évaluer leur impact sur les stocks et les flux biogéochimiques. 

L'expédition a été un succès : nous avons identifié et exploré deux sites contrastés émettant des fluides jusqu'à la couche euphotique. Nous avons pu montrer que l'impact cumulé de multiples sources hydrothermales le long de l'arc de Tonga fertilise en fer l'ensemble du bassin de Lau, avec des concentrations atteignant jusqu'à ~10 nM dans la couche photique (Tilliette et al., 2022). Le long du transect zonal ouest-est, les stocks de chlorophylle-a totale (Chla) et d'azote organique particulaire ont atteint leur maximum dans les eaux naturellement fertilisées en Fe. Les taux de fixation de N2 et les abondances des diazotrophes « Trichodesmium » ont augmenté d'un facteur 10 et 90, respectivement, dans ces eaux fertilisées au Fe (Bonnet & Guieu et al., 2023) par rapport aux eaux adjacentes. Les taux d'absorption de Fe spécifiques aux cellules diazotrophes étaient ~100 fois plus élevés que ceux du plancton non diazotrophe, ce qui s'est traduit par ces abondances très élevées près de l'arc volcanique des Tonga (Lory et al., 2022).

Grâce à de nouvelles expériences de mélange réalisées à bord dans de larges réacteurs de 300L, nous avons exploré en détail les mécanismes à l'origine de cette fertilisation : nous avons montré que les fluides hydrothermaux avaient d’abord un effet toxique et que certains phytoplanctons détoxifiaient l'environnement par la production de ligands, rendant les métaux toxiques présents dans les fluides moins disponibles; après cette période initiale, nous avons observé une forte stimulation de la production primaire, de la fixation de N2 et des taux d'export de carbone, en accord avec les observations in situ (Tilliette et al., 2023). In situ, la production exportée était principalement (~80%) soutenue par la fixation de N2 dans les eaux fertilisées en Fe (Bonnet et al., 2023), en accord avec l'exportation massive de diazotrophes observée pendant l'expédition (Bonnet et al., 2023,).

Enfin, nous montrons que l'efficacité de la séquestration du carbone par le Fe hydrothermal est (1) beaucoup plus élevée que celle observée lors des expériences artificielles d'ajout de Fe à méso-échelle et (2) dans la gamme des valeurs mesurées dans les fertilisations naturelles qui se produisent dans l'océan austral autour des îles Kerguelen et Crozet (Bonnet & Guieu et al., 2023), confirmant que les fertilisations naturelles de Fe sont plus efficaces pour la séquestration du carbone que les ajouts intentionnels de Fe. TONGA a donc permis de révéler un mode de fertilisation naturelle qui n’était pas considéré jusqu’alors. Une des suites de ce projet est de quantifier à l’échelle globale l’importance de ce processus sur la séquestration du carbone atmosphérique.

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Découvrez le portrait de Cécile Guieu à l'origine du projet TONGA aux côtés de Sophie Bonnet !

Conférence : retour sur la campagne d'expédition océanographique TONGA

Découvrez le portrait de Cécile Guieu à l'origine du projet TONGA aux côtés de Sophie Bonnet !

Dans le cadre du projet « Sciences avec et pour la Société » financé par l’Agence national de la recherche, Université Côte d'Azur et ses partenaires [1] vous invite à une conférence animée par Cécile Guieu, spécialiste en biogéochimie marine et directrice de recherche CNRS au laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (IMEV, Sorbone Université, CNRS).
 

Elle présentera le projet ANR TONGA, où une équipe internationale de 29 chercheurs a sillonné le Pacifique, entre Nouméa et l’Arc volcanique des Tonga pour étudier l’impact des volcans sous-marins peu profonds sur la vie marine. Cécile Guieu partagera également son expérience en tant que chercheuse, offrant un aperçu des défis et des passions qui animent cette profession. Rejoignez-nous pour découvrir les enjeux et les découvertes de cette expédition !

Date : mardi 18 juin 2024

Lieu : maison des Associations, Garibaldi

Heure : accueil à 17h30, début de la conférence à 18h

Conférence gratuite, sans réservation préalable, dans la limite des places disponibles

**La soirée est également organisée et animée en collaboration avec l'association Centre de Découverte Mer et Montagne (CDMM), qui œuvre pour la sensibilisation à la préservation des écosystèmes.


 

[1]

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

L’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

L’Institut de recherche pour le développement (IRD)

L’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA)