Cécile Guieu, spécialiste en biogéochimie marine et chercheuse CNRS au laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV). étudie l’impact des sources hydrothermales peu profondes sur l’activité biologique dans les eaux de surface de l’Océan Pacifique sud subtropical occidental. Ses travaux montrent que les fluides hydrothermaux fertilisent l'eau en fer, permettant le développement du phytoplancton dans cette large zone de l'océan.
Les coulisses d'une carrière en recherche
Cécile Guieu, spécialiste en biogéochimie marine et chercheuse CNRS au laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV). étudie l’impact des sources hydrothermales peu profondes sur l’activité biologique dans les eaux de surface de l’Océan Pacifique sud subtropical occidental. Ses travaux montrent que les fluides hydrothermaux fertilisent l'eau en fer, permettant le développement du phytoplancton dans cette large zone de l'océan.
Qu'est-ce qui vous a initialement attirée vers votre domaine de recherche ?
« Avec des parents naturalistes (un père professeur de Géologie et une mère professeure de SVT), j’ai toujours été stimulée lors de nos balades régulières dans la nature, souvent sur le littoral méditerranéen à comprendre ce qui m’entoure : comment s’est formé un paysage, pourquoi cette fleur ou cet insecte vit-il ici.
Je savais donc que je ferai un métier portant sur l’environnement. L’océan, un domaine qui me fascinait par son immensité et son mystère est arrivé logiquement quand j’ai démarré mes études universitaires. »
Y a-t-il eu un moment particulier dans votre vie où vous avez su que vous vouliez devenir chercheuse ?
« C’est arrivé de façon évidente pendant mon stage de DEA (aujourd’hui M2), la démarche scientifique pour répondre à une question s’est révélée un processus passionnant, en particulier le fait qu’il existe plusieurs façons de traiter une question et que cette liberté incombe à la personne qui est en charge de le faire. »
Ses inspirations
« Clairement le moteur est de faire avancer la connaissance, comprendre « comment ça marche », même modestement. Je suis fascinée par la découverte, ce moment où on met en évidence quelque chose que l'on ne connaissait pas, ou que l'on n’était pas capable de quantifier avant. Une découverte amène alors une nouvelle question qui va me demander à nouveau d’apprendre sur un domaine que je ne connais pas, de collaborer avec d’autres spécialistes pour faire avancer la connaissance ensemble.»
En quoi votre recherche a-t-elle des implications pratiques ou des applications dans le monde réel ?
« Je fais de la recherche fondamentale, qui peut apparaitre comme éloigné d’applications directes dans le monde réel. Pourtant, cette recherche est absolument nécessaire pour faire avancer la connaissance. En particulier, mes travaux contribuent à mieux comprendre le cycle du carbone, en quantifiant et en paramétrant certains processus dans les conditions climatiques actuelles et futures. »
La médiation scientifique selon Cécile Guieu
Que vous apporte de parler de vos recherches au grand public ?
« Les sciences portant sur la connaissance et la compréhension de la machine océan sont peu connues du grand public, seuls quelques sujets sont médiatisés.
En premier lieu, c’est donc de faire comprendre à quel point la connaissance de cet immense domaine est primordiale pour comprendre la trajectoire du climat. Je tente de faire réaliser aux non spécialistes qu’on doit s’intéresser aux organismes photosynthétiques qui peuplent l’océan tout comme on s’intéresse aux forêts terrestres.
Au-delà de sensibiliser à l’importance de la science fondamentale (la Connaissance), il est également important pour moi de parler des différentes facettes de mon métier. En tant que femme, pour montrer en particulier au jeune public qu’une carrière de chercheuse avec d’importantes responsabilités est possible que ce soit au laboratoire ou lors des expéditions en mer à bord des navires océanographiques.
Les échanges que je peux avoir sont extrêmement enrichissants, que ce soit avec des enfants très jeunes ou du public plus âgé, percevoir l’intérêt du public et au-delà que cela peut susciter des vocations, est très satisfaisant. »
Que diriez-vous à un collègue pour le convaincre de se lancer dans la médiation scientifique ?
« Je lui dirai que c’est très enrichissant car les retours, les échanges sont formidables. C’est aussi notre devoir de le faire, en particulier pour l’océanographie et le climat qui ne sont pas vraiment enseignés à nos jeunes, et que nous avons un vrai rôle à jouer pour qu’une vraie prise de conscience de la société et des politiques sur les enjeux actuels se fasse au plus vite."
Auriez-vous une anecdote à partager en lien avec votre expérience en médiation scientifique ?
« J’aime parler de mon métier de chercheur mais également de tous les métiers en appui à la recherche qui sont moins connus et pourtant si nécessaires à l’accomplissement de nos recherches. Au cours d’un échange avec plusieurs classes de ‘section d'enseignement général et professionnel adapté’ dans un collège, ces élèves dits « en difficultés » me demandaient quelles études j’avais faites pour être chercheuse, se disant de fait qu’ils en seraient exclus. Après leur avoir répondu, j’ai enchainé en parlant de tous les autres métiers qui ne nécessitent pas autant d’années d’études. Ils ignoraient ces possibilités et plusieurs ont semblé se projeter alors dans une réalité qui leur a fait envisager leur futur autrement, et voir ces quelques sourires m’a fait chaud au cœur. »
Partager vos recherches avec les scolaires est-il un moyen efficace pour leur donner envie de s'intéresser aux sciences et pourquoi pas s'orienter vers les sciences ?
« Bien sûr que c’est le cas, à chaque fois, en fin de séance, quelques élèves me disent : je veux faire le même métier que vous! Par contre, il est dommage que cela ne soit pas enseigné de façon systématique. Même si nous sommes de plus en plus nombreux à faire de la médiation, cela reste une part marginale de l‘enseignement basé sur le volontariat des enseignants et non sur les programmes. »
Pensez-vous que les décideurs politiques pourraient davantage échanger avec les chercheuses et les chercheurs pour prendre certaines décisions ?
« Oui, on pourrait échanger plus, mais malgré le fait que beaucoup d’initiatives se mettent en place, cela ne change malheureusement pas les positions/décisions de la plupart des politiques qui ne prennent toujours pas la mesure de la gravité de la situation (climat, biodiversité) qui nécessite des décisions de grande ampleur, au niveau international. »
L'objet de Cécile Guieu
Pour sortir des sentiers battus, nous avons demandé à cette chercheuse de choisir un objet emblématique de ses études.
Le résultat ? Une roche !
« C’est une roche remontée dans un échantillon de sédiment collecté à presque 5 km de profondeur pendant l’expédition TONGA. Elle représente à la fois l’inconnu que représente l’essentiel de l’océan et donc ce qu’il reste à parcourir pour comprendre la machine Océan. Elle représente aussi le lien entre ce qu’on appelle la Terre Solide et l’immense masse d’eau qui se trouve au-dessus du plancher océanique : elle symbolise donc ce lien que nous cherchons à établir entre la terre et la vie dans l’océan.
Enfin, c’est aussi un symbole de ce qui se trouve au fond de l’océan, à un moment de l’humanité où l’homme cherche malheureusement à aller explorer/exploiter les ressources du fond des océans en se préoccupant si peu de ce que cela implique en termes d’impacts notamment sur la biodiversité. »
Découvrez le projet TONGA !