Effets paradoxaux de la maladie de Crohn

Projet ANTIPODE : Maladies inflammatoires de l'intestin

Les maladies inflammatoires chroniques, telles que la maladie de Crohn, sont caractérisées par une inflammation persistante de l'intestin.

Cependant, elles ne se limitent pas à cet organe et peuvent avoir des répercussions sur d'autres parties du corps, notamment les os.

Cette diversité d'effets souligne l'importance de comprendre les interactions entre l'intestin et le reste du corps, d'autant plus qu'elles influencent également le traitement.

La thérapie anti-TNF-alpha, bien qu’efficace pour contrôler l'inflammation intestinale et la perte osseuse, peut toutefois entraîner des lésions cutanées psoriasiques, complexifiant la prise en charge des patients.

Il est désormais évident que le microbiote intestinal, constitué de milliards de bactéries bénéfiques, joue un rôle crucial dans la modulation de l’inflammation. Cette modulation du microbiote influence directement les interactions entre les bactéries intestinales, les lymphocytes T et les cytokines inflammatoires, notamment l'IL-17, provoquant ainsi une réponse immunitaire exacerbée et une tolérance au traitement limitée.

Le projet ANTIPODE vise ainsi à comprendre comment les traitements anti-TNF-alpha agissent sur l’environnement cellulaire et moléculaire de l'intestin, les os et de la peau. En combinant des études in vitro et in vivo, nous examinons les effets de ces traitements sur les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques, en particulier la maladie de Crohn, et leurs interactions avec le microbiote intestinal.

Nous espérons identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour améliorer la prise en charge des patients présentant des effets indésirables et développer des approches thérapeutiques plus efficaces pour un large éventail de conditions inflammatoires.

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Découvrez le portrait d'Abdelilah Wakkach à l'origine du projet ANTIPODE !

Entretien avec un chercheur : comprendre la maladie de Crohn

Quelles sont les caractéristiques des maladies inflammatoires chroniques, telles que la maladie de Crohn ?

« Ces maladies sont caractérisées par une inflammation chronique de la paroi intestinale du tube digestif avec des périodes de poussées et de rémissions imprévisibles. Les symptômes peuvent varier selon la personne et la sévérité de la maladie, mais ils incluent généralement des douleurs abdominales, des diarrhées, de la fatigue, une perte de poids, et des ulcères, avec un impact significatif sur la qualité de vie des patients. »

Pourquoi peuvent-elles avoir des répercussions sur d'autres parties du corps en dehors de l'intestin ?

« On ne sait pas encore comment ça fonctionne mais nos résultats préliminaires suggèrent que les cellules immunitaires néfastes peuvent circuler et atteindre les autres organes et provoquer l’inflammation. » 

Aujourd’hui, quels sont les traitements contre la maladie de Crohn ?

« Des médicaments anti-inflammatoires comme les corticoïdes, ou des immunosuppresseurs comme l'azathioprine, le méthotrexate et les anti-TNF-alpha (facteur de nécrose tumorale). Dans les cas graves où les médicaments ne contrôlent pas les symptômes, une intervention chirurgicale peut être nécessaire. »

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement la cytokine TNF-alpha et son rôle dans les processus inflammatoires du corps ?

« Cette cytokine joue un rôle crucial dans les processus inflammatoires du corps mais à des doses excessives, elle stimule la production d'autres médiateurs inflammatoires, tels que les cytokines pro-inflammatoires (comme l'IL-1 et l'IL-6) et la protéine C-réactive (CRP). »

Comment le microbiote intestinal peut-il influencer les interactions entre les bactéries intestinales, les lymphocytes T et les cytokines inflammatoires ? 

« Le microbiote intestinal peut influencer la différenciation des lymphocytes T helper 17 (Th17) dans l'intestin. A leur tour, ces lymphocytes Th17 jouent un rôle essentiel dans la protection contre les infections bactériennes et fongiques dans l'intestin. Un déséquilibre dans la population de lymphocytes Th17 ou une dysfonction dans leur régulation peut contribuer au développement de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. »

Quel est l'impact des traitements anti-TNF-alpha sur les patients atteints de ces maladies ?

« Les traitements anti-TNF-alpha ont un impact significatif sur les patients en réduisant l’inflammation, offrant ainsi un soulagement des symptômes, la promotion de la rémission et la prévention des complications graves de la maladie. »

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela se produit et comment cela complique la prise en charge des patients ?

« Chez certains patients traités par des médicaments anti-TNF-alpha, contrairement à leur utilisation pour traiter le psoriasis, ces médicaments peuvent parfois induire ou aggraver le psoriasis chez certains individus, ce qui est qualifié de « paradoxal » et complique la prise en charge des patients. »

Comment les traitements anti-TNF-alpha influencent-ils la composition du microbiote intestinal ?

« Ces traitements peuvent avoir un impact sur la composition du microbiote intestinal, mais les mécanismes exacts et les conséquences cliniques de ces changements ne sont pas encore connus. »

Quels sont les objectifs du projet ANTIPODE ?

« L'objectif global du projet est de déchiffrer l'effet moléculaire et cellulaire des agents anti-TNF dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), en se concentrant plus particulièrement sur les lymphocytes Th17, afin de mieux comprendre leurs effets bénéfiques sur l'intestin et leurs effets délétères sur la peau (psoriasis paradoxal). »

Quelles sont les méthodes utilisées dans le cadre du projet ANTIPODE pour étudier les effets des traitements anti-TNF-alpha sur les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques (MICI)?

« Des études phénotypiques et fonctionnelles des cellules du système immunitaire dans le sang et les biopsies cutanés sont réalisées sur 3 groupes de patients :

1) patients atteints de MICI sans traitement anti-TNF ;
2) patients atteints de MICI et traités avec des lésions psoriasiques ;
3) patients atteints de MICI et traités par anti-TNF sans lésions psoriasiques.

Cette étude comparative en cours nous permettra de révéler des cibles moléculaires et cellulaires. »

Quels sont les espoirs du projet ANTIPODE en termes de développement thérapeutique ?

« La compréhension de la spécificité tissulaire des effets des agents anti-TNF offrira de vastes perspectives pour comprendre sur le plan fondamental l'action du TNF qui pourrait contribuer à fournir de nouveaux indices pour améliorer les approches thérapeutiques. »