Projet ADMIRE : L’adaptation d'un nématode ravageur de cultures à un hôte résistant
Selon l'Organisation des Nations Unies, d'ici à 2050 il faudra augmenter la production agricole de 70 % si l’on veut pouvoir nourrir les 9 milliards de personnes qui vivront sur notre planète à cette date. Ce défi parait difficilement réalisable, et pourtant, il existe des solutions !
Un des leviers majeurs pour atteindre cet objectif est de réduire les pertes de récoltes dues aux maladies, lesquelles peuvent atteindre 70% dans les pays à faible revenu par habitant. L’utilisation de pesticides chimiques a longtemps constitué le moyen de lutte principal pour limiter l’impact des espèces dommageables en agriculture.
La majorité d’entre eux sont désormais interdits dans l’Union Européenne en raison de leur toxicité pour l’homme, et l’environnement. Leur longue utilisation a également augmenté la résistance des organismes contre lesquels ils sont censés lutter, les rendant de moins en moins efficaces.
Les nématodes parasites de plantes sont des vers microscopiques qui s’attaquent aux racines, et qui altèrent la croissance des plantes. Bien qu’invisibles à l’œil nu, ils sont à l'origine de plusieurs centaines de milliards d'euros de pertes de cultures par an dans le monde. Ils sont particulièrement redoutables et peuvent s’attaquer à plus de 5500 espèces de plantes différentes, dans toutes les régions du globe.
La résistance naturelle des plantes contre les nématodes est de moins en moins efficace car ces petits organismes sont très doués pour s’adapter à leur environnement, et donc pour contourner de plus en plus efficacement les moyens de défense des plantes. Ainsi, il est urgent d'explorer des moyens innovants - et durables ! - pour lutter contre ces agresseurs. Dans ce cadre, la compréhension des interactions entre ces nématodes et les plantes qu’ils attaquent est essentielle !
L’espèce de nématode Meloidogyne incognita est considérée comme l’un des dix ravageurs des cultures les plus importants au niveau mondial. Cette espèce, qui est présente dans toutes les régions de notre planète, peut infecter quasiment toutes les plantes cultivées. Elle se reproduit de manière clonale et à partir d'une seule femelle, plusieurs centaines de descendants supposés identiques peuvent être générés.
Pourtant, dans cette descendance, tous ne sont pas exactement identiques : lorsqu'ils sont exposés à des environnements défavorables, comme par exemple une plante résistante, quelques descendants peuvent présenter des variations qui leur permettent de réussir à infecter la plante initialement résistante en une dizaine de générations* et de manière progressive.
Ce phénomène défie notre vision actuelle de l'évolution des espèces : jusqu’à présent, nous pensions que la génération de variations chez les individus, dues à des mutations génétiques, était aléatoire, et que ces mutations, si elles augmentaient les chances de survie, étaient conservées dans les générations suivantes. En effet, nous avons montré que ces nématodes, malgré une diversité génétique quasi nulle (puisque ce sont des clones) sont aussi capables de s’adapter très rapidement à leur environnement, ici la résistance des plantes.
Le projet de recherche ADMIRE vise à comprendre les interactions entre les nématodes parasites, en particulier Meloidogyne incognita, et les plantes qu’ils infectent afin d’élaborer des stratégies durables de lutte contre ces ravageurs.
Chaque organisme vivant est constitué d’ADN : de très petites portions de cet ADN constituent les gènes, et l’ensemble des gènes d’un organisme s’appelle le génome. À chaque gène est associée une caractéristique particulière (ce sont par exemple les gènes qui déterminent la couleur de nos yeux, de nos cheveux ou de notre peau). En étudiant le génome de ces nématodes, les chercheurs ont eu une surprise : chaque génome était en réalité constitué de plusieurs génomes côte à côte. Ces génomes juxtaposés présentent une immense variété de gènes : l’une des plus importantes jamais observées jusqu’à présent au sein d’une espèce dans le règne vivant !
Si la génétique est l’étude de ces gènes, l’épigénétique est l’étude de l’environnement autour de ces gènes, et de la façon dont il influence l’activation ou non de ces gènes. En effet, tous ces gènes présents dans le génome des nématodes ne sont pas actifs : ils peuvent être « activés » ou « désactivés » en fonction des conditions.
Par exemple, pour n’importe quel organisme vivant, s’il existe un gène capable d’améliorer la résistance au froid, inutile de l’activer si l’on vit en climat tropical ! Si les conditions climatiques changent, il pourrait devenir intéressant pour la survie de l’espèce de l’activer !
Chez les nématodes, c’est la même chose : si les conditions dans lesquelles ils se trouvent deviennent plus difficiles, et qu’ils disposent dans leur « stock de gènes » d’un gène permettant de mieux survivre dans ces conditions, il leur suffit de l’activer (ce qui n’est pas aussi facile à dire qu’à faire !) !
Ce sont ces mécanismes moléculaires d’activation et de désactivation qui intéressent particulièrement les chercheurs du projet ADMIRE : en les comprenant mieux, on pourrait comprendre comment les nématodes parviennent à contourner la résistance des plantes, et cette compréhension pourrait nous permettre un jour d’imaginer de nouvelles solutions de lutte !
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Découvrez le portrait de Pierre Abad à l'origine du projet ADMIRE !
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Prendrez-vous le temps de repérer les parasites parmi les racines de la plante en 3D ? Pas faciles à voir, ils sont pourtant là, 2 petits vers transparents quasiment invisibles à l’œil nu, appelés des nématodes. Ils s’infiltrent à l’intérieur des racines de nos plantes pour s’en nourrir. C'est là qu'intervient le projet ADMIRE porté par l'équipe de Pierre Abad pour lutter contre ce parasite !