Invasion et lutte biologique

Projet PushToiDeLa : De la dynamique d'invasion poussée à tirée 

Moustique-tigre, drosophile asiatique, écrevisse américaine… Les aires de répartition d’un grand nombre d’espèces connaissent des expansions importantes sous l’effet des activités humaines et des changements climatiques.

Lorsque ces espèces deviennent envahissantes, elles peuvent constituer des menaces pour la biodiversité, la santé humaine et la durabilité économique et écologique des cultures. 

Dans le projet PUSHTOIDELA, comprendre les expansions de populations est donc essentiel pour prédire de nouveaux foyers d’invasion, concevoir des mesures préventives, et gérer les espèces envahissantes.

Une population en expansion est constituée d’un « cœur », la zone déjà colonisée, où la densité est élevée, et d’un « front » en amont de la vague, la zone en cours de colonisation, où la densité est beaucoup plus faible. L’expansion peut se décrire de manière théorique comme une « vague » qui progresse dans l’espace et le temps, et il existe des outils mathématiques pour prédire la vitesse d’avancée de cette vague en fonction des capacités de croissance et de dispersion de la population.

On peut distinguer notamment des vagues qu’on appelle « tirées », dont la vitesse est déterminée par la croissance et la dispersion uniquement des individus sur le front. Dans d’autres cas, la vitesse de la vague dépend plutôt de la croissance et de la dispersion de l’ensemble de la population, y compris au cœur, et ces vagues sont qualifiées de "poussées ". Notre projet PushToiDeLa visait à comprendre ce qui génère l’un ou l’autre type de vagues, et quelles en sont les conséquences sur les expansions.Qu’est-ce qui fait qu’une vague est tirée ou poussée ?

Les vagues tirées dépendent de la capacité des individus à se reproduire et disperser à très faible densité, sur le front. Cela n’est pas toujours vérifié dans la nature : il peut être difficile de trouver un partenaire sexuel lorsqu’on est peu nombreux par exemple, ou bien les individus peuvent éviter de disperser (ce qui est risqué et coûteux) tant que la compétition locale n’est pas suffisamment élevée pour les gêner. Lorsque la croissance ou la dispersion sont limitées à faible densité (ce qu’on appelle un phénomène de densité-dépendance positive), alors les expansions sont de type poussé.

Quelles sont les différences entre les vagues tirées et poussées ?

Les vagues tirées étant déterminées par le comportement des individus sur le front à faible densité, elles sont très peu sensibles à la compétition. Notamment, leur vitesse est indépendante de la quantité de ressources présente dans l’environnement. A l’inverse, les vagues poussées peuvent être ralenties ou même arrêtées dans des environnements où les ressources sont rares. Par ailleurs, la progression des vagues tirées étant générée par un tout petit nombre d’individus portant une fraction seulement de la diversité génétique de la population totale (ce qu’on appelle un effet fondateur),il y a un appauvrissement rapide de la diversité génétique sur le front, ce qui n’est pas le cas pour une expansion poussée.

La nature d’une vague peut-elle changer au cours de l’expansion ?

Mais tout cela serait trop simple si les vagues tirées restaient toujours tirées et les vagues poussées toujours poussées! Comme dans l’exemple de la diversité génétique sur le front, la composition génétique d’une population va évoluer au cours de l’expansion. Cette évolution va à la fois dépendre des caractéristiques démographiques de la population, et modifier celles-ci en retour : ce phénomène est appelé une boucle éco-évolutive, ce qui affectera l’ensemble des prédictions établies plus haut.

Et après ?

Nos travaux ont permis de contribuer largement à éclairer la compréhension de la diversité des dynamiques d’expansion, et leurs conséquences en écologie et évolution. Nos résultats soulignent la complexité des processus éco-évolutifs à l’œuvre, et démontrent qu’il est difficile de faire des prédictions générales sur le comportement des populations en expansion qui dépend de manière fine de l’interaction entre les mécanismes internes de ces populations et les caractéristiques des milieux qu’elles rencontrent.

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Découvrez le portrait d'Élodie Vercken à l'origine du projet PUSHTOIDELA !