Insectes et écosystèmes

ANR GENLOADICS : Evolution du fardeau génétique au cours des invasions biologiques

Certaines espèces animales ou végétales peuvent se trouver introduites dans un environnement dont elles étaient préalablement absentes, puis y devenir très abondantes : on parle d’invasions biologiques.

Avec le changement climatique, ces invasions sont considérées comme une composante majeure du changement global, étant étroitement liées aux activités humaines et entraînant des effets indésirables sur les écosystèmes, l’économie ou la santé humaine.

Pourtant, l’introduction d’une nouvelle espèce dans un nouveau milieu est loin d’assurer son établissement. En effet, seuls quelques individus sont généralement du voyage, représentant un échantillon limité de la diversité génétique d'origine.

En conséquence, les capacités d’adaptation se retrouvent particulièrement réduites, entrainant fréquemment à l’échec de l’invasion. Une question fondamentale demeure : pourquoi certaines populations nouvellement introduites deviennent-elles des envahisseurs redoutables, tandis que d’autres disparaissent rapidement ? Une hypothèse intrigante suggère qu’un processus appelé « purge génétique » pourrait jouer un rôle déterminant dans cette dynamique en débarrassant les génomes des maladies génétiques.

L’ADN de n’importe quel être vivant regorge de ce que l’on appelle des « mutations délétères », à l’origine des maladies génétiques. Heureusement, ces mutations ont bien souvent peu d’effet, car chacune d’entre-elles ne se trouve généralement que sur un chromosome, ce qui permet au gène en bonne santé de fonctionner normalement. Les maladies génétiques risquent en revanche de s’exprimer lorsque des individus apparentés se reproduisent ensemble, c’est ce que l’on appelle la dépression de consanguinité. Lorsqu'un petit groupe d'individus est introduit dans un nouvel environnement, la consanguinité augmente, faisant apparaître des maladies génétiques. Cela peut conduire à un échec de l'invasion. Mais parfois, la sélection naturelle agit, éliminant ces maladies génétiques habituellement cachées, et permet à la population de devenir plus résiliente. On dit alors que les mutations délétères auront été « purgées ».

Dans le cadre du projet GENLOADICS, nous testons cette hypothèse simultanément sur 10 espèces d’insectes. Pourquoi des insectes ? d’une part parce que ceux-ci constituent la majorité du monde animal, et d’autre part parce que beaucoup d’insectes envahissants provoquent des problèmes majeurs. On retrouve par exemple dans notre projet le moustique tigre qui constitue un désagrément bien connu de tous, la coccinelle Asiatique qui perturbe nos écosystèmes, ou encore la chrysomèle des racines du maïs qui pèse lourd sur le porte-monnaie de nombreux agriculteurs. Pour tester notre hypothèse de « purge génétique », nous utilisons des technologies avancées de séquençage du génome, ce qui nous permet à terme de comparer la fréquence des mutations délétères entre des populations envahissantes et leurs populations d’origine.

A terme, cette approche nous permettra de lever le voile sur les secrets qui entourent le succès de certaines espèces envahissantes. En outre, les méthodologies développées pourront également être appliquées à d’autres questions en biologie. A titre d’exemple, le destin des mutations délétères est une question particulièrement importante lorsqu’on s’intéresse aux espèces menacées d’extinction et à leur gestion. Il en est de même dans le cas des espèces domestiquées pour lesquelles la dépression de consanguinité peut s’avérer très problématique. Au final, ce projet constitue une première étape d’une enquête génétique fascinante visant à élucider les mystères entourant les maladies génétiques.

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Découvrez le portrait d'Éric Lombaert à l'origine du projet GENLOADICS !